(Un grand merci à l'autrice de Lin et Lune pour cette belle découverte : deux poèmes anonymes parus dans la revue Les Temps modernes, "Les femmes s'entêtent", en avril-mai 1975 - téléchargeable ici en PDF).
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NI L'UN NI L'AUTRE
viens petite sœur
nous irons dans les rues qu'ils nous interdisaient
sans permission
ils te diront ; monsieur — sans hésiter —
pour moi ce sera plus
difficile
bonjour monsieur ma Sœur
je savais bien qu'on se rencontrerait un jour
ailleurs que dans les beaux quartiers de notre enfance
aujourd'hui
je marche dans ces rues où tu marches
j'habite ton corps un instant
— pour
rien —
je fantasme des mondes à découvrir
attachées à la ville et parcourant la ville
unique
la
métropole des regards fuyants
NEW YORK — disait le fou qui n'était pas si fou —
CENT MILLIONS DE VIETCONG
VISAGES
écorchée vive au regard des enfants qui demandaient
tu es un homme ou une femme ?
je posais la question à mon corps
qui ne savait répondre
rien — disait mon corps refusant ses limites — :
les normes dépassées me tiraient dans le dos
longtemps
après
tu
répondais à l’interpellation des hommes
NI L’UN NI L’AUTRE
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SEXES
consciemment je inconsciemment
prisonnière
des mots
me
parle
je
te
parle
moi qui
bois vos images ô mes sœurs sur vos lèvres
lointaines
qui me
donnent l'enfance et l'enfant
désirées-refusées
moi qui
moi-e-moi
que faire de ce féminin ?
émoi
forcé
nous
divisées
que
faire de ce féminin ?
prisonnières
des mots — masculins pluriels —
enfermées
dans les pages
quelques
images sages
dansent
la danse des mo(r)ts
—
féminines plurielles —
quelques images folles caressent leur folie
— féminine singulière
femme
est un mot — masculin singulier —
il
ressemble à son frère
homme
regarde
femme
l'enfant
sans sexes
que
nous étions
hurle sa peur de vivre dans ce monde-là : masculin
[féminin.
Gazouillis :
Gazouiller :